7 août 2019

Écrit par Cluster Hospitality

Vers un réenchantement de l’expérience client dans l’hôtellerie ?

7% de chiffre d’affaires supplémentaires par rapport à 2017, une évolution de la fréquentation estimée à 3% en 2019 (Étude Xerfi 2019). Le secteur de l’hôtellerie française se porte bien. Et si on ajoute à cela la croissance du secteur du tourisme, qui se traduit notamment par l’augmentation de 3 % du nombre de voyageurs étrangers en France comparé à 2017 (Rapport CIT 2018), les perspectives sont jugées prometteuses.

Néanmoins n’oublions pas que la concurrence accrue entre hôtels, celle amenée par les nouveaux intermédiaires sur le marché et surtout le changement des attentes des voyageurs viennent pressuriser les hôteliers. Ainsi, 59 % des voyageurs déclarent que l’expérience vécue au sein de l’hôtel prime sur les aspects matériels du séjour (Etude Booking 2017). Les exploitants hôteliers qui récolteront les fruits de cette dynamique seront donc ceux qui feront les investissements les plus pertinents.

Des hôteliers concurrencés sur toutes les étapes du voyage

Les exploitants d’hôtels doivent aujourd’hui composer avec des concurrents qui les attaquent sur l’ensemble de leur chaîne de valeur :

  • Avant le séjour : les comparateurs de prix (ex : Liligo) et les agences de voyages en ligne ou OTAs (Online Tourism Agencies, ex : Booking.com) permettent aux clients de bénéficier d’un accès quasi-exhaustif à l’offre existante sur le marché et ce au meilleur tarif ;
  • Pendant le séjour : les plateformes d’intermédiation (ex : Airbnb) offrent aujourd’hui des séjours différenciés à travers la possibilité de loger « comme chez soi » dans un appartement ou une maison plutôt qu’à l’hôtel. Ils renforcent même aujourd’hui leur proposition de valeur par la vente d’expériences locales (activités organisées par les habitants, voyages encadrés ou encore proposition de restaurants locaux populaires) pour enrichir le séjour ;
  • Après le séjour : les comparateurs de prix et agences de voyage en ligne conservent la mainmise sur la relation client après le voyage dépossédant l’hôtelier de celle-ci au travers de l’envoi d’offres en lien avec les séjours précédemment bookés voire les préférences du client quand l’expérience est totalement data-centric.

Le niveau de maturité des nouveaux acteurs est plus avancé sur les étapes de pré et post-séjour. Ainsi 43% des réservations en ligne de 2015 sont effectuées par le biais d’un pure player web (Étude Xerfi 2019). Le séjour même devient alors l’élément de différenciation principal pour les hôteliers. Cet argument est également renforcé par la hausse globale des prix dans l’hôtellerie (+3% au niveau européen en 2019 d’après HRS) qui accentue l’exigence des clients vis-à-vis du service proposé.

De nouvelles attentes des voyageurs

La clientèle des hôtels évolue, autant de profils de voyageurs différents que les groupes hôteliers doivent apprendre à connaitre afin d’adapter l’expérience proposée à leurs attentes.

La clientèle des pays émergents connaît une forte hausse comme l’illustre le nombre de départs à l’étranger des voyageurs Chinois en augmentation de 270 % depuis 2008 selon l’Administration Nationale du Tourisme de Chine (CNTA). Une nouvelle clientèle avec ses propres codes et usages que les hôteliers cherchent à attirer à tout prix et au profil plus technophile. A titre d’illustration, 90% des utilisateurs de smartphone chinois utilisent le paiement mobile (étude atout France, 2018), les groupes hôteliers se hâtent ainsi d’intégrer dans leur écosystème des moyens de paiements spécifiques et applications dédiées (Baidu maps, WeChat, Alipay…) pour répondre à leurs attentes.

Avec l’essor du low-cost, le nombre de voyages de clients millenials est également en forte expansion. Une cible beaucoup moins fidèle aux marques mais paradoxalement plus encline à accorder ses propres données personnelles pour obtenir des services personnalisés (47% d’entre eux y sont effectivement favorables d’après une étude de Globe Shopper). Fidéliser les millenials, ultra-sollicités sur les canaux numériques mais beaucoup plus ouverts aux nouveaux acteurs, est un véritable défi pour les hôteliers.

Les clients sont, enfin, bien plus sensibles aux aspects solidaires et écologiques d’un séjour. L’éco-tourisme se développe et vise ainsi à préserver durant le voyage les espaces naturels par le biais d’activités de découverte ou de loisirs respectueux de l’environnement. L’écotourisme pousse les exploitants hôteliers à valoriser la préservation des espaces naturels et traditionnels dans les hôtels ainsi qu’à suivre des normes écologiques (ex : ISO 26000) pour proposer un séjour plus « green ».

Côté usages, des évolutions résolument numériques 

Le mobile continue sa progression en tant qu’outil phare du voyageur pour les réservations (39% d’entre elles sont effectuées sur smartphone d’après Criteo) mais il est également utilisé comme carnet de voyage (80% des touristes l’utilisent durant le voyage pour de la recherche d’informations, pour mémoriser les endroits visités, …). Aujourd’hui, le mobile a également un rôle de catalyseur d’expériences. Ainsi, il amène avec lui des applications de messagerie (ex : Messenger, WhatsApp) ou liées au séjour (ex : TripAdvisor) qui sont de nouveaux points de contact potentiels directs ou indirects à prendre en compte par les hôteliers.

Les réseaux sociaux et les sites communautaires tels que TripAdvisor sont devenus le relai de partage privilégié des voyageurs durant leur séjour, toute faiblesse s’y trouvant directement sanctionnée, les acteurs de l’hôtellerie se doivent de :

  • Suivre de près ce qui s’y dit à leur sujet et réfléchir à adapter leurs offres en conséquence ;
  • Répondre à toutes les demandes des clients émises depuis ces plateformes ;
  • Peaufiner leurs prises de parole corporate pour fidéliser les clients existants et en attirer de nouveaux.

Ces deux tendances participent à une fragmentation du parcours d’achat entre canaux et moments. En effet, avant l’achat, les clients se renseignent, à différents moments, sur plusieurs canaux web et mobile et prennent en compte une multitude de sources (ex : sites de comparaison de prix ou d’évaluation de l’hôtel) avant de valider leur réservation. Véritable reflet du vécu client, l’expérience proposée est retranscrite dans les évaluations données (ex : TripAdvisor), elle devient une vitrine et sert non seulement un objectif de fidélisation mais également d’acquisition de nouveaux clients.

En réponses à ces transformations profondes, les hôteliers tentent d’adapter leur proposition au service de l’expérience client.

Une relation client-hôtelier sans couture

Interactions

Il peut se passer des semaines et même des mois entre la réservation et l’arrivée dans l’hôtel. Longtemps négligé par les acteurs du secteur, les hôteliers investissent désormais ce temps de latence pour communiquer avec leur client en amont de leur séjour.

Beaucoup ont ouvert de nouveaux canaux de communications (messagerie in-app chatbot, pages sur les réseaux sociaux) pour capter et répondre aux demandes des clients ou, comme la chaîne Best Western, informent proactivement les clients des services disponibles dans l’hôtel et directement réservables sur l’application mobile.

Ces interactions dématérialisées au service du client se retrouvent durant le séjour, à l’instar des applications d’e-conciergerie en fort développement : Lounge Up, Myconcierge ou encore Ariane, pour apporter un service plus qualitatif et limiter les frictions.

Check-in / Check-out

Fluidifier la réservation ne suffit pas, les hôteliers se sont attaqués à l’un des principaux pain points client : la gestion des arrivées et départs à l’hôtel, les fameux check-in / check-out. Étapes indispensables du parcours, elles peuvent vite devenir fastidieuses pour les clients pressés.

Finies les files d’attente au comptoir d’accueil, de nombreux hôtels proposent aujourd’hui l’online check-in. Certains d’entre eux vont jusqu’au bout du concept en proposant des clés dématérialisées sur mobile voire, notamment en Chine, la reconnaissance faciale à l’entrée des chambres. L’objectif n’est pas de supprimer toutes les interactions humaines, ce qui serait même contre-productif dans une stratégie de fidélisation, mais de déporter le temps dédié à la gestion de réservations à la satisfaction client pendant son séjour.

La mise à disposition des innovations technologiques peut aussi se révéler pleine de bienfaits au service du personnel et de leur équipement, pour fluidifier l’opérationnel.

Services in-hôtel

Une fois les étapes de réservation et de gestion du séjour adressées, les acteurs s’attaquent au bien-être des clients pendant leur séjour et veillent à élargir leur proposition de valeur bien au-delà de la nuitée. Les services classiques (spa, piscine, restaurants, bars ou offres de tourisme locales), longtemps relégués au second plan, sont désormais intégrés à l’offre hôtelière et bien mieux valorisés (site de l’hôtel, écrans dans les chambres, push notifications, avantages fidélité, …).

Cette mutation pousse également à une évolution des rôles du personnel et du métier de l’accueil, devenant de véritables facilitateurs de l’expérience client. Leurs tâches se diversifient : mise au point de parcours de tourisme, recommandation de restaurants ou réponse aux demandes de conciergerie évoquées précédemment (Hôtel Best Western).

Être singulier au regard des désirs de la clientèle 

Proposer une expérience unique et ainsi procurer un sentiment de privilège : l’innovation doit être au service de ce leitmotiv et doit permettre de répondre aux attentes et besoins spécifiques de la clientèle. La notion de « personnalisation » s’est ainsi faite une place de choix dans l’hôtellerie. L’enjeu majeur étant de se différencier en faisant écho aux souhaits des consommateurs, à un instant T, à l’image des chambres qui peuvent désormais être configurées selon les préférences de chacun (éclairage, température, produits fournis, etc.). L’architecte d’intérieur Maud Bury baptise ce concept « My Room Concept ». Selon elle, les chambres doivent être flexibles, personnalisables et intimes. Au Royaume-Uni, The Waterhead Hotel offre la possibilité aux hôtes de customiser leur chambre en fonction de leurs propres goûts (décoration, literie, etc.).  

Personnaliser sa chambre et élargir ses services, c’est également la promesse portée par l’arrivée des assistants vocaux dans les chambres d’hôtels. Les géants américains comme Amazon ont en effet vite embrassé la tendance en lançant la suite d’applications Alexa for hospitality en pilote dans certains hôtels Marriott, pour permettre aux clients de commander un service de chambre, de ménage ou simplement d’ajuster l’éclairage ou encore de diffuser leurs playlists, en commande vocale sur l’enceinte Echo. Malgré la réticence de certains clients à disposer d’un tel speaker dans leur chambre, la tendance inspire d’autres acteurs comme la start-up Vivoka primée au CES 2019, s’inscrivant comme une alternative moins inquiétante que les GAFA.

Laisser à la main du client la personnalisation de sa chambre d’hôtel est un premier pas vers une approche où la personnalisation sera intégrée dans toutes les étapes du séjour.

Lors d’un voyage, quel qu’en soit le contexte, tout client aime être chouchouté et surpris. C’est ainsi que la notion de marketing holistique prend tout son sens et devient primordiale. Le croisement et l’analyse des données clients permettent d’anticiper souhaits et demandes : le type de vin consommé, l’orientation de la chambre désirée, les journaux qu’ils souhaitent lire au petit-déjeuner, les disponibilités sur les soins habituellement réservés, … Toutes ces attentions personnalisées, déduites des comportements antérieurs, participent au ré-enchantement de l’expérience vécue.

Une digitalisation forcenée pour l’hôtel du futur?

Dans ce contexte de mutation, l’investissement dans l’innovation devient l’une des préoccupations majeures des grands groupes hôteliers. La concurrence est rude là où tout va très vite. Les centres de recherches prennent alors une place majeure dans la définition des futures orientations stratégiques. Louvre Hotels, par exemple, développe en Chine un Innovation Center pour réfléchir au concept hôtelier de demain et cherche à mettre en place une labélisation « Smart Hotel » dédiée à ces hôtels pilotes. Les partenariats entre groupes hôteliers et géants de l’innovation technologique se forment également : Marriott, Samsung et Legrand ont ainsi crée un IoT Guestroom Lab, permettant d’encourager les synergies entre les différents savoir-faire.

Entre bien-être, divertissement et gamification, le séjour à l’hôtel boosté par les technologies pourrait devenir multidimensionnel, interactif et personnalisable.

Équipées des dernières innovations en matière de technologie, notamment de sonorisation et d’éclairage, les chambres s’adaptent aujourd’hui aux émotions du client. Le concept du « Mood Room » développé par NH Hotel Group et Philips Lighting illustre parfaitement « l’hôtel du futur ». Tablettes incrustées dans les tables basses pour passer commande, miroirs et murs connectés, oreillers connectés, rêves commandés grâce à des capteurs émotionnels, tout est fait pour que le client vive un séjour paisible et ressourçant. Autre illustration, iFizzy met à disposition des clients des tablettes numériques afin de créer une interactivité avec l’établissement en réagissant de manière ludique pour s’informer, commander ou réserver. Le client entre dans une véritable expérience immersive et profite des chambres ainsi que des espaces connectés et interactifs

Ces concepts innovants presque fantasmés pourrait permettre de se démarquer des nuitées en hôtel traditionnel. Nous ne sommes toutefois qu’aux prémices des grandes transformations que connaissent les hôtels traditionnels, l’enjeu devenant alors d’être à la genèse de nouveaux concepts hôteliers « futuristes » plutôt que de devoir rattraper de nouveaux standards. En ce sens, Alibaba fait une entrée vertigineuse dans le secteur en ouvrant à l’Est de la Chine un établissement que l’on peut qualifier de futuriste où une grande partie des tâches humaines sont réalisées par des machines et où le client est principalement en contact avec des robots. Et pourtant, la curiosité et l’appétence de la clientèle envers les nouveautés technologiques restent contrebalancées par la méfiance croissante des utilisateurs vis-à-vis de la gestion de leurs données et du respect de leur vie privée. Une équation difficile à résoudre et dans laquelle les contraintes juridiques vont avoir un impact grandissant. Un élément de réponse pourrait être de faire du digital une option pour le client comme un service intégré à la proposition de valeur pour valider l’adhésion client dans une première phase expérimentale.

 

Pour répondre aux attentes et relever de nouveaux défis de croissance, les acteurs de l’hôtellerie investissent différents volets de l’expérience client. Entre parcours sans couture, personnalisation et digitalisation, nombreuses sont les initiatives au service de la fidélisation client. Le risque du surinvestissement des nouvelles technologies est tout de même à prendre en compte et pourrait faire tendre vers une relation client aseptisée, déjà décriée par certains clients.

L’enjeu-clé actuel est celui de l’Unified Hospitality, tirer le meilleur du monde physique et digital pour offrir une expérience adaptée.

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